L’employeur peut imposer à ses salariés une obligation de neutralité
La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, a introduit un article L1321-2-1 dans le code du travail qui autorise l’inscription dans le règlement intérieur d’un principe de neutralité, restreignant la manifestation des convictions des salariés, à la double condition que ces restrictions soient :
- justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise ;
- proportionnées au but recherché.
Dans un arrêt du 22 novembre 2017 (Cass.soc. 22 novembre 2017, n°13-19.855), la Cour de cassation juge que l’employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l’ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l’entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l’article L. 1321-5 du code du travail, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n’est appliquée qu’aux salariés se trouvant en contact avec les clients.
En présence du refus d’une salariée de se conformer à une telle clause dans l’exercice de ses activités professionnelles auprès des clients de l’entreprise, il appartient à l’employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l’entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n’impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement.
Dans cette affaire, une salariée, ingénieur d’études, avait été licenciée pour faute pour avoir refusé d’ôter son foulard islamique lorsqu’elle intervenait dans des entreprises clientes de son employeur.
L’interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients résultait seulement d’un ordre oral donné à la salariée et visant un signe religieux déterminé.
La Cour de cassation juge le licenciement discriminatoire, en retenant d’une part, que la volonté d’un employeur de tenir compte des souhaits d’un client de ne plus voir les services dudit employeur assurés par une salariée portant un foulard islamique ne saurait être considérée comme une « exigence professionnelle essentielle et déterminante », condition posée par la Cour de justice de l’Union européenne ; et d’autre part qu’aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n’était prévue dans le règlement intérieur.
Ainsi, l’employeur ne peut interdire le port visible de signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail qu’à la condition, notamment, d’avoir prévu cette interdiction dans le règlement intérieur.
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