L’encadrement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le Gouvernement a publié le 31 août 2017 cinq ordonnances visant à réformer le droit du travail, dont l’une relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.

Il convient toutefois d’être prudent quant à ces ordonnances qui ne constituent que de simples projets, susceptibles d’évoluer.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 7 septembre 2017, a validé la loi d’habilitation relative à la réforme du Code du travail par ordonnances. Il pourra cependant être ultérieurement saisi des dispositions législatives prises pour ratifier les ordonnances. En effet, le Conseil constitutionnel pourra être saisi dans le cadre qu’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), des dispositions ratifiées des ordonnances.

La loi d’habilitation a été promulguée par le Président de la République le 15 septembre et publiée au Journal officiel le 16 septembre. Conformément aux articles 1 à 5 de la loi d’habilitation, le Gouvernement dispose d’un délai de 6 mois à compter de la promulgation de la loi  pour prendre les ordonnances de réforme du Code du travail, soit jusqu’au 15 mars 2018.

L’une des modifications majeures consiste dans l’encadrement des indemnités accordées par le juge prud’homal en cas de licenciement abusif, restreignant considérablement le pouvoir d’appréciation du juge.

L’objectif affiché par le gouvernement est de permettre aux entreprises d’anticiper et de limiter le risque prud’homal concernant la rupture du contrat de travail.

Jusqu’à présent, en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la loi prévoit une indemnisation minimale de 6 mois de salaire brut, uniquement lorsque le salarié dispose d’au moins 2 ans d’ancienneté et travaille dans une entreprise d’au moins 11 salariés (article L1235-3 Code du travail).

Si le salarié compte moins de 2 ans d’ancienneté et/ou travaille dans une entreprise de moins de 11 salariés, la loi ne fixe pas d’indemnisation minimale : le salarié peut prétendre à des dommages et intérêts, en fonction du préjudice subi (article L1235-5 Code du travail). La Cour de cassation vient de préciser dans un arrêt du 13 septembre 2017 que le préjudice est présumé, il découle de « la perte injustifiée de son emploi ». Son évaluation relève de l’appréciation du juge (Cass. soc., 13 sept. 2017, n° 16-13.578, FP-P+B+R+I).

Pour apprécier ce préjudice, le juge peut notamment tenir compte de l’ancienneté au moment de la rupture, de l’âge de l’intéressé, de sa difficulté à retrouver un emploi, de sa situation familiale etc.

Ces indemnités se cumulent avec l’indemnité de licenciement, l’indemnité de préavis, l’indemnité compensatrice de congés payés, ou encore la contrepartie financière à une clause de non-concurrence.

L’article 2 de l’ordonnance relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail fixe des minima d’indemnisation en cas de licenciement abusif, et surtout des montants maxima, ce qui constitue le principal changement.

Le barème reste déterminé en mois de salaire.

Le plafond de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse serait progressif en fonction de l’ancienneté du salarié, l’effectif de l’entreprise étant sans incidence.

Le plancher d’indemnisation serait en revanche réduit dans les entreprises de moins de 11 salariés.

En outre, selon l’article 2 II al. 3 de l’ordonnance, le juge aurait désormais la possibilité de déduire de cette indemnité le montant des indemnités légales ou conventionnelles versées à l’occasion de la rupture (selon des conditions et modalités non définies).

Ainsi, pour les salariés travaillant dans une entreprise employant plus de 10 salariés, le barème serait le suivant :

Ancienneté du salarié dans l’entreprise (en années complètes)Indemnité minimale(en mois de salaire brut)Indemnité maximale(en mois de salaire brut)
0sans objet1
112
233
334
435
536
637
738
838
939
10310
11310.5
12311
13311.5
14312
15313
16313.5
17314
18314.5
19315
20315.5
21316
22316.5
23317
24317.5
25318
26318.5
27319
28319.5
29320
30 et au-delà320

Quant aux salariés licenciés par une entreprise employant habituellement moins de 11 salariés, l’indemnisation serait encadrée comme suit :

Ancienneté du salarié dans l’entreprise(en années complètes)Indemnité minimale(en mois de salaire brut)
0sans objet
10.5
20.5
31
41
51.5
61.5
72
82
92.5
102.5

Conformément à l’article 2 IV de l’ordonnance, le barème s’appliquerait également en cas de requalification d’une prise d’acte de la rupture en licenciement sans cause réelle sérieuse, et de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l’employeur.

L’ordonnance prévoit des exceptions en cas de licenciement nul, prononcé notamment dans un contexte de violation d’une liberté fondamentale, ou consécutif à des faits de harcèlement moral ou sexuel, en cas de licenciement discriminatoire, ou consécutif à une action en justice en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, ou de licenciement d’un salarié protégé : lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l’employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Enfin, l’indemnité minimale prévue par le code du travail, en cas licenciement prononcé en violation des règles relatives à la réintégration du salarié à la suite d’un arrêt de travail, ou en  méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, serait divisée par 2, passant de 12 à 6 mois de salaire.

Ces nouvelles modalités d’indemnisation s’appliqueraient uniquement aux ruptures notifiées après publication de l’ordonnance, soit à compter du 1er septembre 2017.